Introduction
Une approche de la photo
Le matériel
La prise de vue
Quelques thèmes de photos
La mise en forme
Le laboratoire
La vision et la photographie
- Approche visuelle
- Approche des surfaces sensibles
- La couleur
La photo en commun
Les techniques particulières
L'invention de la photographie
Conclusion
7ème partie La vision et
la photographie
Nous, les photographes, jouons avec des choses qui disparaissent, Et quand elles ont disparu, il est impossible de les faire revivre.
Henri CARTIER-BRESSON7.1 - Approche visuelle.
Cette partie, assez théorique et parfois abstraite, ne doit pas pour autant être négligée car elle permet de mieux comprendre pourquoi et comment obtenir certains résultats.
7.1.1 - De quoi s'agit-il ?De comparer le processus de la photographie avec le mécanisme de la vision humaine.
7.1.2 - Pourquoi une telle comparaison ?Au cours de notre éducation de photographe amateur, nous trouvons dans les livres et les revues – ou bien nous entendons lors des réunions du club – des conseils, d'ordre technique, sur la façon d'utiliser les appareils photo ou leurs accessoires, pour obtenir tel ou tel effet. Cependant, il arrive que nous appliquions mal ces conseils, pour le seul motif que nous n'avons pas discerné exactement les bases ou les processus physico-chimiques des procédés conseillés.
Pour que ces indications soient bien assimilées, facilement retenues et appliquées tout naturellement, il est indispensable de les comprendre. A cet effet, il est utile de procéder à une approche globale, en comparant le processus de la réalisation d'une photographie avec le mécanisme de la vision humaine.
7.1.3 - Comparaison globale.
- Photographier
- C'est fixer, sur un support matériel, une image optique formée par la lumière, à travers l'objectif.
- Voir les objets
- C'est interpréter, dans notre cerveau, leur image mouvante formée dans notre oeil.
Lorsque nous regardons une photographie, elle devient, pour nous, un objet en soi, un objet nouveau. Et, selon les cas, nous serons satisfaits, surpris, choqués ou charmés par l'extrême similitude, ou par les différences profondes, qui existent entre cette photo et ce que nous fait percevoir une vision directe.
7.1.4 - Mécanisme général de la vision.A) Saisie.
L'oeil reçoit les rayons lumineux émis, réfléchis ou transmis par les objets. Le cristallin, système optique convergent, forme l'image optique sur la rétine. La mise au point en distance, selon l'éloignement des objets regardés pour obtenir sur la rétine une image nette, se fait par variation de sa distance focale. Cette netteté n'est obtenue, à un instant déterminé, que dans les limites d'une certaine profondeur de champ.B) Analyse.
Les quelques 130 millions de cellules photosensibles de la rétine reçoivent, chacune, une minuscule parcelle de l'image optique. Ces cellules comportent des cônes et des bâtonnets. Les cônes ne sont sensibles qu'à un éclairement assez fort, et perçoivent les couleurs. Ils contiennent trois sortes de pigments, chacune réagissant à une des trois couleurs : bleu, vert, rouge. Les bâtonnets sont sensibles aux faibles éclairements, mais réagissent seulement aux intensités lumineuses, c'est dire comme une émulsion en noir et blanc. Sur la rétine, il y a, pour ainsi dire, deux émulsions mêlées, l'une pour la couleur, l'autre pour le noir et blanc. D'autre part, les bâtonnets sont plus gros que les cônes ; l'analyse de ces derniers est plus fine, plus précise que celle des premiers. Par lumière très faible, nous voyons encore, mais les objets nous paraissent tout gris et imprécis.C) Transmission.
Sous les stimulations de rayons lumineux, chaque cellule de la rétine émet des impulsions nerveuses, de nature électrique, qui sont transmises à des faisceaux de fibres nerveuses collectrices, lesquelles se réunissent pour former le nerf optique.
D) Vision.
Ces signaux aboutissent finalement à la zone visuelle du cortex. Le cortex est une couche de matière grise formant deux hémisphères qui couvrent, comme une calotte, l'extrémité postérieure du cerveau. Les signaux se mettent en place, sans qu'on sache bien comment pour reconstituer l'image. La même zone reçoit aussi d'autres stimulations venues d'autres parties du cerveau, où elles étaient en mémoire, et qui corrigent les sensations brutes venant de la rétine. Et c'est là que se situe la perception visuelle : l'oeil a saisi une image, mais c'est le cerveau qui voit.
7.1.5 - Le champ couvert par l'oeil.A un instant très bref déterminé, ou bien lorsque nos yeux sont rigoureusement immobiles, notre champ de vision ne comporte qu'une toute petite zone nette, située à son centre, et cette zone ne couvre, à 5 mètres, qu'une largeur de 15 cm. Autour, s'étend une zone de vision encore très satisfaisante, mais floue, couvrant environ 75 cm, toujours à 5 mètres. Au delà, existe une zone s'élargissant jusqu'à 180 degrés, dans laquelle l'oeil discerne encore les formes, puis, à mesure que le champ s'élargit, perçoit seulement les grandes masses : c'est une sorte de zone d'approche destinée à avertir de ce qui pourrait être à voir sur les côtés.
7.1.6 - Balayage par l'oeil et champ normal de vision.Cependant :
- l'oeil balaie sans arrêt le champ situé devant notre visage.
- le système de transmission envoie au cerveau la succession ininterrompue des images instantanées saisies.
- le cerveau fait la synthèse de ces perceptions successives, dont l'impression ne s'efface qu'avec un certain retard.
C'est ainsi que nous voyons dans notre cerveau, d'une manière nette, non pas seulement la très petite zone de perception nette instantanée, mais une zone beaucoup plus large. Cette zone large, c'est le champ normal de vision, celui que l'on peut regarder sans fatigue anormale, par le balayage habituel des yeux. Il correspond à celui des objectifs normaux des appareils de photographie. En format 24 x 36, c'est l'objectif d'une distance focale voisine de 45 mm, couvrant environ, à 5 m, une zone de 4 m de largeur, soit, à la distance moyenne de vision normale minimum, un rectangle horizontal de 20 x 25 cm.
7.2 - Approche des surfaces sensibles.
7.2.1 - Observation préalable.
L'image photographique se forme au cours d'une suite d'actions physiques et chimiques. Elle se forme dans la surface sensible qu'on appelle plus couramment mais inexactement : émulsion, celle-ci étant fixée sur un support : film ou papier (ou autre). Nous voici de nouveau dans la technique. Certains pensent qu'il n'y a pas besoin de savoir tout cela pour faire de bonnes photos, mais on dit que le bon ouvrier travaille encore mieux s'il sait comment agissent ses outils. Il va de soi que nous schématisons. Certains vont même penser que nous simplifions outrageusement.
7.2.2 - Action énergétique de la lumière.La lumière, nous le savons, est le phénomène, naturel ou artificiel, que notre oeil perçoit. Ce phénomène est, en gros, analogue à celui des ondes radio : c'est un mouvement vibratoire, dont la longueur d'onde varie avec la couleur. Mais, en plus, la lumière a un caractère de mouvement corpusculaire : elle bombarde en propulsant de minuscules corpuscules d'énergie : les photons. Le bombardement des photons cause sur certaines substances des modifications, visibles ou non (rappelons-nous que le soleil fait bronzer ou rougir notre peau). C'est ainsi qu'on a pu observer une action remarquable de la lumière sur les sels d'argent, et notamment sur le plus utilisé d'entre eux en photographie : le bromure d'argent. La lumière, en frappant les cristaux de bromure d'argent, fait sortir de ces derniers quelques-uns des atomes d'argent-métal. Elle en libère ainsi d'autant plus qu'elle agit en plus grande quantité. Ces atomes d'argent ainsi libérés, et qui restent au point d'impact de la lumière libératrice, tout en demeurant invisibles, constituent l'image latente. C'est là l'effet photographique de la lumière.
7.2.3 - Les surfaces sensibles.On a donc pensé à étendre du bromure d'argent en couche mince pour obtenir une image aisément observable. Pour faciliter la chose, on disperse de fins cristaux de bromure d'argent dans un liant transparent, qui est de la gélatine (produit obtenu par traitement de déchets animaux), et on coule cette émulsion sur un support : film ou papier (autrefois, aussi, des plaques de verre). Voilà la surface sensible la plus simple. Les surfaces sensibles modernes sont en fait beaucoup plus complexes : elles comportent plusieurs couches, chaque couche contenant plusieurs composants, mais les explication ci-après, limitées au cas simple, sont très largement valables pour tous les cas.
7.2.4 - Luminance et lumination.Il est certes nécessaire de schématiser et simplifier, ce qui implique de fuir les termes trop techniques, et beaucoup ont été éliminés. Mais en voici deux qui sont au contraire de nature à mettre plus de clarté (sans jeu de mot ! ) dans la suite de l'exposé.
La luminance est le terme utilisé pour désigner l'intensité lumineuse émise par l'objet vers notre oeil ou vers l'appareil photo. Luminance est synonyme de brillance.
La lumination est le terme utilisé pour la mesure de la lumière reçue par un objet, par exemple par la surface sensible. La lumination est égale au produit de l'intensité de la lumière reçue par la durée pendant laquelle cette lumière est reçue. Lumination est synonyme d'exposition.
7.2.5 - Corrélation entre lumination et effet photographique.A) Cas particulier simple : image d'un point.
Nous avons vu que la lumière a un effet photographique : libération d'atomes d'argent = formation d'une image latente. Considérons l'image optique d'un point, image formée sur la surface sensible par la convergence à travers l'objectif des rayons lumineux émis par un point de l'objet. On constate les effets suivants :
- Tant que la lumination, au point image, demeure en dessous d'un certain seuil, l'effet photo est nul.
- Lorsque la lumination, augmentant, dépasse ce seuil, l'effet photo débute, l'image latente du point commence à se former.
- En même temps que la lumination progresse, le nombre d'atomes d'argent libérés augmente, l'image latente du point devient plus dense.
- Pendant une certaine zone de croissance de la lumination, il y a proportionnalité entre la lumination et l'effet photo : si la lumination double, la densité de l'image latente double également.
- Enfin, à un certain degré d'augmentation de la lumination, l'effet photo est maximum ; il y a saturation de la surface sensible, l'image du point a sa densité maximum.
B) Cas général : image d'un objet.
L'image optique est formée par la juxtaposition des images des points de l'objet. Chacun des points de l'objet a sa propre luminance. Les différences de luminance entre les divers points constituent les contrastes de l'objet. Sur l'image optique, les variations de lumination entre les divers points sont proportionnelles aux variations de luminance des points correspondants de l'objet (sous réserve des déformations éventuellement introduites par les imperfections de l'objectif). Pour obtenir une image latente correcte, il faut enregistrer dans la surface sensible toute la gamme des contrastes de l'image optique, et en respectant, de plus, la proportionnalité de ces contrastes.
7.2.6 - Latitude de pose.La latitude de poste de chaque surface sensible est l'intervalle de lumination se traduisant sur cette surface par une variation de l'effet photographique. Pour une lumination inférieure à cet intervalle il y a sous-exposition. Pour une lumination supérieure à cet intervalle, il y a sur-exposition.
La zone de latitude totale se partage elle-même en trois parties :
- à partir du seuil d'effet photo, il y a d'abord croissance de celui-ci, mais d'une manière non proportionnelle à la variation de lumination : les contrastes sont comprimés ;
- après une augmentation (assez faible) de la lumination, on atteint la zone de latitude de pose correcte ;
- si l'exposition augmente encore, après cette dernière zone, l'effet photo continue à s'amplifier, mais d'une manière de plus en plus amortie : les contrastes sont, là aussi, comprimés.
On voit que l'image latente sera correcte si la surface sensible est exposée de manière que l'intervalle de contraste maximum de l'image demeure dans la zone de latitude de pose correcte.
Première conclusion pratique : Pendant le calcul (raisonné !) de l'exposition d'une photo, il faut s'efforcer de placer toute la gamme des contrastes du sujet dans la zone de latitude de pose correcte de l'émulsion. Parfois, ce n'est pas possible, et il faut alors choisir.
7.2.7 - Sensibilité d'une émulsion.La sensibilité d'une surface sensible est sa caractéristique définissant le degré de lumination auquel elle réagit normalement. On désigne aussi fréquemment cette caractéristique sous le terme de rapidité. La sensibilité de chaque émulsion d'usage courant est fixée selon des normes rigoureuses et elle est indiquée par le fabricant sur l'emballage. Ce n'est cependant pas le cas pour certaines émulsions particulières, telles que celles spécialement sensibles aux rayonnements infra-rouges. En France, les fabricants utilisent la norme ISO, dont l'échelle – en degrés ISO – est proportionnelle à la rapidité de l'émulsion : un film de 100 ISO a une sensibilité double de celle d'un film de 50 ISO. Le degré nominal ISO d'une émulsion correspond au début de la zone de latitude de pose correcte de cette émulsion, c'est-à-dire à la lumination suffisante pour faire naître des détails lisibles dans les ombres.
7.3 - La couleur.
7.3.1 - La vision en couleurs.
Dans le présent pragraphe, nous allons examiner le fonctionnement de la perception des couleurs par l'homme, afin d'en tirer quelques remarques susceptibles de guider le photographe.
A) Observations préalables.
Pourquoi ne pas supposer qu'une photo plaira mieux, aura un plus fort impact (sera meilleure...) si elle est en accord avec la physiologie de notre vision ? Ce qui suit ne donne que quelques aperçus d'une très vaste question. Les chiffres cités sont des moyennes qui varient plus ou moins selon les individus.
B) La couleur des objets.
La couleur d'un objet n'est pas une réalité physique définie et stable. C'est une apparence variable : nous avons tous pu constater que le même objet peut nous paraître de couleurs différentes, selon les conditions de notre vision de cet objet.
Cette couleur que nous voyons dépend :
- de la nature de la lumière qui frappe l'objet ;
- de la nature des couleurs que cet objet peut réfléchir et renvoyer vers notre oeil ;
- des éléments que notre cerveau a pu mémoriser et qui modifient les éléments colorés avant notre vision finale.
C) Effets de la mémoire : la couleur vraie.
L'homme s'est habitué, depuis des millénaires, à considérer que la couleur vraie des objets est celle qu'ils ont sous la lumière du jour, celle du soleil moyen. Pour les paysages et objets qu'il a déjà vus, l'homme a ainsi, en mémoire, une couleur vraie ! Le cerveau, dans sa vision, tient compte de ces données en mémoire : un mur que nous voyons blanc, au soleil, à midi, nous le voyons encore blanc au soleil déclinant, alors que, en réalité, il est, à ce moment-là, légèrement rose. Si nous voulons que la photo, prise au soleil déclinant, soit bien conforme à notre vision normale, nous devons, techniquement, tricher.
D) Recherche de la vision équilibrée.
Il semble bien que, pour être satisfait de ce qu'il voit, le cerveau ait besoin qu'il existe un certain équilibre entre les éléments perçus dans son champ de vision. Cet équilibre, c'est celui dans lequel le mixage de tous les éléments colorés de l'image aboutirait à un gris moyen. Or, percevant une couleur, le cerveau cherche aussitôt sa couleur complémentaire, et s'il ne voit pas celle-ci pour apaiser ses circuits nerveux, il se crée lui-même cette couleur complémentaire : c'est la recherche de la vision équilibrée.
E) Suggestions pour le photographe.
En faisant sa composition et son cadrage, le photographe peut essayer de veiller à ce que l'agencement des diverses surfaces colorées constituant les éléments qu'il capte respecte l'équilibre animé par le cerveau. Nous aurons de cette image une vision satisfaite, une vision calme. Le photographe peut aussi établir un certain déséquilibre entre ces éléments colorés : en regardant cette photo, le mécanisme de vision fera un effort plus grand, la vision sera en alerte. Cela peut avoir l'effet de mieux attirer l'oeil, d'agresser la vision. A l'extrême, si le déséquilibre est grand, ou même total, la vision de la photo sera physiologiquement très satisfaisante. Le même mécanisme explique pourquoi il faut éviter les parasites (petites taches colorées qui, par leur activisme, attirent et fatiguent l'oeil et rendent la photo déplaisante).
F) Précisions sur l'équilibre des couleurs.
Les trois couples principaux de couleurs, complémentaires l'une de l'autre, constituant chacun un équilibre, sont :
JAUNE VIOLET ORANGE BLEU ROUGE VERT Mais attention ! L'équilibre n'est atteint que lorsque la juxtaposition des surfaces de chacune des couleurs respecte une certaine proportion, en fonction de la valeur lumineuse, ou de la valeur chaleur de chaque couleur.
Si l'on considère des couleurs franches, c'est-à-dire des couleurs bien saturées (non délavées par du blanc), la valeur lumineuse relative de chacune des six principales couleurs est mesurée par les nombres :
JAUNE : 9 VIOLET : 3 ORANGE : 8 BLEU : 4 ROUGE : 6 VERT : 6 C'est ainsi qu'il faudra, en surface couverte, pour obtenir une vision en équilibre :
3 parties de violet 1 partie de jaune 2 parties de bleu 1 partie d'orange 1 partie de vert 1 partie de rouge Cela sans préjudice du fait qu'on peut utiliser des couleurs saturées, ou bien des couleurs plus ou moins pastellisées.
On sait, d'autre part, que, selon les observations des peintres, ces six couleurs comprennent : trois couleurs simples (jaune, bleu, rouge) et trois couleurs composées, qu'on peut obtenir par mélange des trois simples : violet = mélange de bleu et de rouge, orange = mélange de jaune et de rouge, et enfin vert = mélange de bleu et de jaune. On obtiendra le même équilibre de vision calme, en remplaçant une couleur composée par ses deux composantes. Exemple : jaune et bleu/rouge forment un équilibre (en respectant les valeurs lumineuses).
G) Le plaisir des contrastes.
Cet équilibre entre les surfaces colorées étant plus ou moins réalisé, notre cerveau enregistre avec plaisir les images où les plages de couleur ne se mêlent pas de façon désordonnée, mais forment des contrastes selon des surfaces équilibrées aussi dans leur disposition. Il est reposant, mais fastidieux, de regarder un gris moyen uniforme ! Mais il est plaisant de regarder un assemblage contrasté de teintes (dont la fusion donnerait effectivement un gris moyen).
H) Les couleurs pures.
Sur le plan physique, lorsqu'on analyse la lumière du jour, on peut isoler un nombre très élevé de couleurs pures. Cependant, sur le plan physiologique, des séries de sondages et d'expériences ont montré que la plupart des humains ont tendance à considérer qu'il existe quatre couleurs pures : bleu, vert, jaune, rouge. Voilà encore une constatation que le photographe peut méditer : on peut considérer que ce sont des juxtapositions de plages de ces couleurs, bien franches et saturées, qui donnent les images les plus vigoureuses.
I) Le noir et le blanc.
Le noir est une absence de couleur : il ne provoque donc aucune sensation à notre cerveau. Il laisse les couleurs voisines s'expanser, se mettre en valeur.
Le blanc est la somme de toutes les couleurs : il provoque à notre cerveau la sensation la plus forte. Il écrase les couleurs voisines en abaissant leur luminosité.
J) Température subjective des couleurs.
Bien que l'action de voir paraisse une action purement optique, certaines couleurs ont, sur les sensations de l'observateur, un effet réchauffant, d'autres un effet refroidissant. C'est ainsi que, depuis des siècles, les peintres ont pris l'habitude de parler de couleurs chaudes en désignant sous ce terme celles allant vers le jaune et le rouge (chaud comme une flamme). Et de couleurs froides en désignant ainsi celles qui vont vers le violet et le bleu (froid comme la glace).
K) Couleurs et sentiments suggérés.
On estime, en général, que les couleurs de base reflètent certains sentiments : froid, calme, lumière, chaleur.
7.3.2 - La magie de la couleur.A) La couleur pour la couleur.
Photographier en couleurs est devenu très facile :
- faire des diapositives, les projeter, en tirer d'excellentes copies sur papier, jusqu'au format 50 x 60 au plus ;
- photographier en négatif couleur, en tirer des copies sur papier à des prix raisonnables.
Mais si la couleur peut être l'un des éléments de la fidélité et de la vérité d'une photographie, elle peut être aussi l'objet principal d'un cliché. On peut jouer avec la couleur, rechercher les harmonies ou les contrastes de couleur ou de teintes, penser plus à la couleur qu'aux formes et même rechercher des compositions colorées purement abstraites. C'est ainsi qu'en préparant le cadrage ou la composition, le photographe doit tenir le plus grand compte des couleurs. Celui qui photographie en couleurs ne doit pas se contenter de reproduire simplement le monde coloré qui l'entoure comme on le voit communément, sous peine de réaliser les imitations de la réalité n'ayant aucun caractère personnel. Il ne doit pas subir son environnement mais au contraire essayer de le montrer en fonction de sa propre personnalité, sa propre façon de voir les choses.
La couleur doit être traitée de manière à dépasser le stade de la simple description, en vue de fixer et de transmettre par le cliché une émotion d'essence esthétique, en exprimant les sensations et les sentiments du photographe. Mais n'oublions surtout pas que, comme pour la composition des masses et des lignes en noir et blanc, la composition des couleurs sera, en général, d'autant plus agréable à regarder que l'auteur aura su ménager la simplicité et l'unité.
B) Principales harmonies et principaux contrastes.
- Juxtaposition de couleurs primaires – Accords pleins de vie, compositions vives et animées, propres à suggérer des atmosphères de joie et d'action.
- Juxtaposition d'une couleur primaire et de sa complémentaire – C'est l'opposition à la fois la plus marquée et la plus harmonieuse. Le plus fort contraste chaud-froid. A condition d'être utilisée en respectant certaines proportions d'équilibre quantitatif, la réunion des couleurs complémentaires représente pour l'oeil une harmonie parfaite. Dans la réalité, les taches de couleur sont souvent dispersées et c'est une appréciation subjective qui donne une idée de l'équilibre : mais la connaissance de la théorie aide cette appréciation. D'autre part, les couleurs subissent très souvent certaines altérations, par exemple, elles sont éclaircies (par un mélange de blanc) ou obscurcies (par un mélange de noir). Pour respecter l'équilibre, la surface de la couleur éclaircie devra être réduite, et celle de la couleur obscurcie devra être augmentée.
Exemples d'équilibres harmonieux en couleurs complémentaires :
- une affiche de couleur jaune vif, sur un mur de teinte mauve (surface de l'affiche : un quart du total).
- une barque de couleur dominante orangée, sur un fond de mer bleue (surface de la barque variable selon la pureté et l'intensité du bleu : entre le quart et le tiers du tout).
- des coquelicots rouges sur une prairie verte (à peu près équivalence de surface entre les taches rouges et le fond vert).
- Juxtaposition couleur primaire + complémentaire, avec modification du rapport quantitatif – Lorsque l'équilibre quantitatif entre surfaces de couleur, dont il est question au paragraphe précédent, n'est pas respecté, il peut en résulter une photo très expressive. Il y a cependant intérêt à ce que la réduction de surface relative porte sur la couleur la plus lumineuse de celles composant la photo. De plus, pour éviter une désagréable distorsion, cette tache de couleur plus éclairée mais minoritaire doit se trouver au voisinage d'un point fort du cliché.
Exemple : un coquelicot rouge sur une touffe d'herbe verte ; quantitativement, l'équilibre serait obtenu par équivalence de surfaces entre le rouge et le vert (un pour un). Ici, il y a déséquilibre quantitatif : un cinquième seulement pour le rouge ; la photo en devient plus expressive.
- Harmonies chaudes – Les couleurs chaudes sont celles de la gamme : jaune, orangé, rouge, rouge-violet. Le voisinage du noir souligne cette chaleur. Les photos composées essentiellement de couleurs chaudes forment une harmonie à atmosphère vive, excitante. La présence de quelques touches froides (vert, bleu) peut exalter cette atmosphère.
Exemple : un étalage de citrons, oranges et tomates.
- Harmonies froides – Les couleurs froides sont celles de la gamme : jaune-vert, vert, bleu, bleu-violet. Le voisinage du blanc accentue le froid des couleurs. Les photos composées essentiellement de couleurs froides forment une harmonie à atmosphère calme, apaisante.
Exemple : des plantes vertes sur un fond de tapisserie bleue.
- Harmonies de nuances – La même couleur peut être de nuance variable, selon la quantité de blanc ou la quantité de noir qu'elle contient. C'est ainsi que le jaune peut varier, en fait, depuis un blanc à peine sali par une lueur jaune pâle, jusqu'à un brun foncé presque noir. Une harmonie ton sur ton peut être obtenue par juxtaposition et équilibre des diverses nuances d'une couleur. Il peut d'ailleurs s'agir indifféremment de couleurs chaudes ou froides.
- Effet des surfaces noires – Le noir, couleur neutre, met en relief la luminosité des couleurs, surtout quand il constitue le fond des photos : photos de nuit, photos au flash, vitraux à contre-jour, couchers de soleil. Un objet ou un personnage noir, placé près d'un point fort d'une composition de tonalité générale claire, peut donner au cliché un très heureux équilibre.
- Harmonies ou contrastes simultanés – Il va de soi que la même photo peut utiliser simultanément plusieurs contrastes ou harmonies de couleur. Par exemple, une série de nuances de bleu, en opposition avec une gamme d'orangés.
7.3.3 - Couleur, lumière et film.A) Température subjective des couleurs.
Il a été question plus haut de l'effet chaud ou froid des couleurs, tel qu'il est ressenti depuis des siècles. Mais il s'agit là d'impressions visuelles totalement étrangères à tout phénomène physique mesurable. Il convient donc d'éviter toute confusion entre ce concept subjectif et la notion physique de température de couleur dont il va être question. Au surplus, par malchance, le sens de variation chaud-froid de ces impressions est inverse à celui de la progression des températures de couleur : les couleurs visuellement chaudes sont dominantes dans une lumière de température de couleur relativement basse, alors que les couleurs visuellement froides sont dominantes dans une lumière de température de couleur relativement élevée.
B) Température de couleur de la lumière.Pour les besoins industriels de fabrication des films photographiques, comme pour les besoins de la technique de la prise de vue, il est nécessaire de fixer les idées par des nombres, par des grandeurs mesurables. Il en est ainsi, en particulier, pour la nature, la qualité de la lumière. Or, la lumière est créée par l'incandescence de la matière. Lorsqu'on chauffe un objet (un minéral, évidemment, pour qu'il supporte l'échauffement sans se décomposer ! ) à un certain moment il commence à rougir, à émettre de la lumière rouge ; puis à mesure que la température augmente, la lumière qu'il émet s'enrichit de radiations nouvelles qui la font paraître jaune, puis de plus en plus bleuissante. Il y a donc un lien direct entre la température de la source de lumière et la qualité de la lumière émise par cette source. Dès lors, on a décidé de définir la qualité de la lumière par une température de couleur qui se mesure en degrés dits Kelvin ou K.
Exemples de température de couleur Bougie 1 200 K Ampoules domestiques 2 500 K à 3 000 K Lampes quartz halogènes
et lampes spéciales3 200 K Lampes éclair blanches 4 000 K Lampes éclair bleues 5 500 K Soleil moyen 5 600 K à 6 000 K Flash électronique 5 900 K Ciel couvert 7 000 K Ciel bleu 10 000 K
C) Analyse photographique de la lumière.Une lumière est, dans le cas le plus général, composée d'une infinité de radiations, même si, pour un observateur, elle a un seul effet global. Pour la commodité du classement, on répartit ces radiations en six groupes :
violet bleu vert jaune orangé rouge Eux-mêmes encadrés par des radiations invisibles : ultra-violet et infra-rouge. Dans la lumière du jour, celle du soleil moyen, ces groupes sont en proportion équilibrée. Jusqu'à maintenant, les fabricants de surfaces sensibles n'ont pas trouvé de moyen de préhension globale de la couleur. Ils procèdent par analyse, en fixant sur le support (film, papier...) non pas une seule couche mais trois couches superposées, chacune sensible à une seule gamme de couleurs (ces trois couches sont parfois subdivisées pour améliorer la qualité de la photo). On se fie ainsi aux facultés de globalisation de l'oeil pour faire la synthèse nécessaire. Les trois couleurs de base choisies sont : le bleu, le vert et le rouge. On peut considérer que, pour les besoins techniques de la photographie en couleurs, la lumière est toujours scindée en trois faisceaux, respectivement bleu, vert et rouge.
D) Les couleurs complémentaires.Pour les besoins des traitements physico-chimiques, il est nécessaire d'utiliser des pigments sensibles non pas aux couleurs de base, mais à leurs couleurs complémentaires. (Il convient de souligner que la somme de deux couleurs complémentaires donne la lumière blanche).
- La complémentaire du bleu est le jaune.
- La complémentaire du vert est le magenta.
- La complémentaire du rouge est le cyan.
E) Effet des filtres.Pour l'analyse photographique, toute lumière peut ainsi être considérée comme constituée de trois couleurs : bleu, vert et rouge. Dans la lumière du jour, celle du soleil moyen (5 800 K), les trois couleurs ont chacune la même énergie, c'est-à-dire la même capacité d'action sur les particules sensibles à la lumière. Dans la lumière artificielle à basse température de couleur, le bleu n'a que peu d'énergie, il y a déséquilibre en faveur du rouge. Il est possible d'utiliser un filtre pour rétablir l'équilibre, mais attention, le filtre n'ajoute rien, il se borne à supprimer. Pour une lumière artificielle, par exemple, un filtre bleu n'ajoute pas de bleu, il nivelle en rabotant l'excès de rouge. La proportion entre les trois couleurs est rétablie (à peu près...) mais l'énergie totale de la lumière a diminué, ce qui oblige à augmenter l'exposition.
F) Surfaces sensibles spéciales - Emulsions tungstène.On peut obtenir toute une gamme de surfaces sensibles différentes en faisant varier la nature et la proportion des pigments placés dans chacune des couches. Nous ne parlerons ici que de celles dites pour lumière tungstène. En moyenne, et en chiffres approchés, dans la lumière électrique usuelle, l'énergie du rouge est deux fois plus forte que celle du bleu. Une émulsion lumière du jour reproduit fidèlement cette proportion et donne une photographie techniquement exacte mais que nous trouvons (en général) trop rouge. Pour rétablir l'équilibre, on peut utiliser un filtre bleu, mais les fabricants, voulant économiser la peine des photographes, leur ont préparé une émulsion spéciale, dont la couche du bleu est deux fois plus sensible que la couche du rouge. Cette émulsion est donc équilibrée pour 3 200 K (et les fabricants de lampes électriques ont prévu toute une gamme d'éclairages fournissant une lumière de 3 200 K...).
G) Tubes fluorescents et cas analogues.Ces tubes émettent une lumière discontinue, ne contenant que certaines radiations, et pour laquelle on ne peut définir de température de couleurs. La lumière des tubes fluorescents blancs peut être, dans une certaine mesure, corrigée par des filtres.
La lumière des lampes au sodium et des tubes luminescents est en fait monochromatique et ne peut être corrigée.
H) Le mot de la fin.Il n'est pas toujours facile de reproduire sur une photographie les couleurs vraies. La gamme des températures de couleurs possibles est très étendue : 1 200 à 10 000 K, et les amateurs n'ont que deux types de surface sensible à utiliser : 3 200 K et 5 800 K. Il est vrai qu'ils peuvent filtrer et le commerce leur offre une gamme de filtres, rigoureusement normalisés, gradués de 100 K à 700 K. Mais n'oublions pas qu'il peut être très créatif de laisser s'enregistrer sur le film des dominantes, voire d'en ajouter volontairement, au moyen de filtres ou de lumières colorées.
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