Photo-Ciné-Club Offranvillais

Rencontres avec...

 

GERARD
VANDYSTADT


Après des débuts de journaliste et de reporter photo polyvalent aux "Nouvelles de Versailles", puis une première agence créée avec un ami, Gérard Vandystadt se lance seul en 1977 et fonde l'Agence VANDYSTADT. Ses clients sont aujourd'hui les journaux et les magazines du monde entier, des fédérations : gymnastique, natation, escrime, tir à l'arc, athlétisme ou encore l'équipementier Adidas. Tous plébiscitent le style de la maison, identifiable au premier coup d'œil, bien que souvent copié.

Depuis plusieurs années, il édite de magnifiques livres de sport où images et textes sont magistralement mis en perspective. Ses préfaces, très personnelles, parlent un peu de sport et beaucoup d'autre chose : révoltes, coups de cœur, temps qui passe, amour. C'est sûrement là que réside le secret du style VANDYSTADT. Le sport est un prétexte pour raconter ce qui lui importe le plus : un formidable amour de la vie.

REGARDS DU SPORT

Gérard Vandystadt n'aime pas spécialement le sport, n'en pratique aucun, redoute l'ambiance des stades de foot et ne comprendra jamais comment on peut adorer suivre pendant des heures un match à la télé. Pourtant, pour accéder à son bureau, il faut emprunter les couloirs d'une piste d'athlétisme. Il fréquente assidûment meetings de gymnastique et Coupes du Monde, a assisté à 15 Jeux Olympiques et ne désespère pas d'obtenir de Stéphane Diagana quelques haies qui agrémenteraient cette entrée originale. Les murs de son agence sont couverts de photos agrandies, belles et fortes comme des toiles de maître. Quelques-uns des 20 millions de clichés issus de ses collections, pris par lui-même ou l'un de ses collaborateurs.

Gérard Vandystadt sait voir ce qui est à la disposition de tout le monde, mais que les autres ne savent pas cueillir. Il crée les photos de sport que les journaux attendaient. Graphiques, harmonieuses, symboliques. Son goût pour le sport est intimement lié à une attirance immodérée pour ce qui est beau : "L'idéal, c'est le très grand champion qui fait le très grand exploit de façon très esthétique. Mais il ne faut pas être seulement à l'arrivée. Il faut rester en éveil, avoir l'œil de la mouche. Observer partout : le champion qui va exploser de joie, mais aussi le dernier, le favori battu, s'intéresser à ce qui va se passer un peu avant ou un peu après l'épreuve."

Les photos signées VANDYSTADT fixent la vitesse et se jouent souvent au millième de seconde, elles immortalisent aussi autre chose que la performance, résistent au temps. Composées comme des tableaux, elles dépassent l'actualité. Intemporelles, elles vont au-delà du résultat, des records tombés, du score final. Mouvement, couleurs, lignes. Ce qu'elles cherchent à capter, à transmettre, c'est aussi la grâce et l'émotion, montrer les corps et les regards transcendés par l'effort, dire plutôt que décrire. Leur valeur s'affirme avec les années. Bien après qu'on ait oublié le nom de tel champion olympique du 400 mètres ou de tel gardien de but, on reste en arrêt devant leurs images, leurs gestes, leurs attitudes. Beaux à jamais, uniques, universels.

Nathalie Rosenblum

AU-DELA DU SPORT

C'est l'histoire d'un photographe invité d'honneur du trentième anniversaire du P.C.C.O.
Rencontre avec une histoire.

 

De profil, cela ne le fait pas. De face non plus d'ailleurs. Difficile en effet d'imaginer que cette silhouette, au petit ventre rond, peut être celle d'un des plus grands photographes de sport. L'homme ne s'en cache pas : il n'a jamais pratiqué d'activités sportives. Derrière la fumée d'une nouvelle cigarette, se cache un visage jovial, souriant, accueillant, chaleureux même. L'œil est malicieux et on le devine aisément scrutant le moment opportun derrière le viseur d'un Nikon ou d'un Canon, le moment où l'ombre de deux tribunes de football va se déplacer jusqu'à, pendant quelques secondes, insérer un gardien de but, semblable à un funambule, dans un faisceau de lumière.

Gérard Vandystadt n'a donc jamais pratiqué de sport mais, comme il le précise dans un de ses ouvrages, il "aime le sport au-delà du sport...".

SAISIR L'ÉVÉNEMENT...

 

Après quelques mots échangés avec le créateur de l'agence qu'il constitua en 1977, pour devenir aujourd'hui la première agence française, ce credo est certifié, labellisé. Discuter avec lui est chose aisée car la langue de bois reste au vestiaire. Assis au milieu de tous, et non sur la scène, il explique avec un sourire ironique, combien les gens sont " amis " dans ce milieu de la photographie de presse où un petit siège de toile, apporté par un organisateur à un seul d'entre eux, fait office de privilège exorbitant. On se demande alors comment un homme d'apparence si affable a pu faire sa place dans un monde de concurrence extrême. La réponse, il l'apporte rapidement en commentant les photos de l'exposition : le talent. Même si, selon ses propos, ce sont les athlètes qui font les photos, on ne peut s'empêcher de penser que le photographe y est pour quelque chose. Il y a, bien entendu, d'abord les photos qui figent le moment opportun, l'instant décisif, tels ces documents de courses automobiles où les accidents créent l'image. La chance doit être au rendez-vous comme pour cette photo d'Alain Prost sautant de joie après son premier titre de Champion du Monde malgré une panne d'essence quelques centaines de mètres après la ligne d'arrivée, document extraordinaire qui a dû éviter au photographe une belle remontée de bretelles car "il n'aurait jamais dû se trouver à cet endroit de la piste : il ne devait rien s'y passer". Ces photos uniques, exceptionnelles, ne sont probablement pas les photos préférées de Gérard Vandystadt.


...EN SACHANT ALLER AU-DELÀ

 

Celles qu'il aime, par-dessus tout, sont celles qui se suffisent à elles-mêmes, quels que soient le moment, le lieu, les acteurs, celles où le photographe a su atteindre l'indicible, la beauté, l'art. Il se montre ainsi très heureux du choix de l'affiche par le P.C.C.O. qui découvre une athlète (Cathy Freeman), assise sur la piste, le regard et la main tendus vers une autre main inconnue. Cette vue va "au-delà du sport...", elle est universelle et le fait que l'athlète soit championne olympique n'ajoute rien à la beauté. Le photographe a su saisir un moment d'humanité "dans un vaste bordel qui règne autour".

 

Le message de Gérard Vandystadt est bien là : photographier l'événement, bien sûr, mais savoir aller au-delà. Aussi est-il plus tendu quand il parle du numérique, qu'il utilise, évidemment, mais occasionnellement car "toujours inférieur en qualité à l'argentique". Il s'énerve un peu quand on évoque sur une de ses photos un possible trucage réalisé à l'ordinateur. Mais la réaction est encore plus virulente quand il fustige ses confrères qui photographient "la première minute d'un programme de patinage artistique, puis passent les trois autres minutes à pianoter sur leur ordinateur pour être les premiers à adresser leurs photos à leurs journaux. Moi, je continue à photographier car l'image à faire sera peut-être celle de la dernière seconde". Le message est clair et on le comprend quand le directeur d'agence parle des hommes, des femmes qu'il photographie, "Zidane, taciturne mais tellement sollicité ; Galfione, si beau et si gentil", ou de ceux avec lesquels il travaille, "une quinzaine de photographes permanents et une soixantaine au total avec les pigistes", qui doivent tous coller avec cette philosophie de l'au-delà, de l'esthétisme. C'est le cas de Bruno Bade, de Philippe Montigny, recruté sur un book - "c'est exceptionnel" - et qui, deux ans plus tard, réalisa la meilleure photo du Tour de France 2000, où là encore, au-delà de l'événement, le photographe sut saisir, dans l'alignement rouge et bleu d'une équipe, la verticalité disparate d'un maillot jaune, intrus coloré, et en tête d'un groupe uniforme. Un symbole, une image, sans nom, ni lieu.


LA FOSSE

 

Pourtant, cette philosophie n'est certainement pas suffisante pour réussir et il faut aussi savoir jouer des coudes.
Après trente ans d'activité professionnelle, Gérard Vandystadt n'a toujours pas accès aux dix places attribuées sur la pelouse des Jeux Olympiques, alors qu'une agence, créée quelques mois auparavant par Bill Gates, est déjà sur la pelouse de Sydney. Pareillement, il propose après l'Euro de réaliser, à titre gracieux, une photo souvenir des bleus, pour marquer leur fabuleuse aventure : par sympathie... Mais la F.F.F. appelle l'agence, quelque temps plus tard, pour réclamer une participation financière ; comme le dit Gérard Vandystadt avec un sourire amer : "sans doute pour leurs bonnes œuvres...". Alors, il faut lutter pour vendre ses photos, transiger avec des exigences de sponsors, répondre aux lois du marché tout en ne vendant pas son âme au diable.

C'est dans la fosse, un lieu qui n'a jamais autant mérité son nom, que se préparent les grandes photos des J. O. ou des grandes épreuves d'athlétisme. "Nous sommes peut-être 800 à vouloir saisir l'arrivée du 100 mètres, course que nous couvrons pour l'agence à une quinzaine, du départ à l'arrivée. Pour une course qui se déroule en début d'après midi, il arrive que l'on s'installe dans la fosse à une heure du matin". Quant on écoute le directeur d'agence, on devine aisément que le stress des photographes est au moins égal à celui des athlètes. "On n'a pas le droit à l'erreur. Si on se loupe, il faut attendre... quatre ans".

Alors le matériel, les pellicules, tout cela semble anecdotique et sans grand intérêt. L'essentiel est dans le regard du photographe, ce regard qui arrivera à faire d'un contre-jour saisi lors d'une compétition olympique en fauteuil roulant, un superbe symbole d'une victoire sur la vie, ou bien transformer une photo des cyclistes du Tour de France dans les tournesols, en document exceptionnel, malgré un thème mille fois ressassé. Le Tour, cette course magique où les photographes de l'agence anticipent souvent sur le peloton à la recherche d'un point de vue original, favorisent par là même certaines rencontres... intéressantes : "On pénètre un peu chez des vieilles dames sans trop de cérémonie et on repart très vite en s'excusant des exigences de notre métier.". Parfois même, il arrive au malheureux photographe de devoir repartir rapidement alors que l'hôtesse insiste. On devine, au regret toujours perceptible de Gérard Vandystadt, que la dame ne devait pas être si vieille que cela.

Mais pas le temps, ce temps si terrible qui fera d'une superbe photo d'aujourd'hui, un très bon document dans deux ans, et une illustration dans cinq ans. Ce temps, juge implacable, aune véritable de la beauté d'une photo.


SURVOLER LE TEMPS

Au moment de se séparer, je regarde une dernière fois cette superbe exposition de 105 photographies devant lesquelles plus de 1 500 visiteurs se sont longuement attardés. Une image me marque particulièrement : un coureur africain semble voler au-dessus du sol. Il n'est qu'une silhouette. Au-dessus de lui, une branche le couvre de son ombre comme pour le protéger. On ne distingue pas le dossard, on ne sait rien de la course, du lieu. Intemporelle, elle saisit un moment magique. Celui qui confine à la beauté. Cette silhouette, dans dix ans, je l'aurai toujours dans ma mémoire. Cette photo est belle, elle est "au-delà du sport".

Éric Rubert


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