« SILENCIO », de Thomas Jorion

Nous avons tendance à penser que le style d'un photographe ne s'apprécie qu'à l'aune de l'œuvre d'une vie. Pourtant, je voudrais vous présenter le livre d'un jeune auteur, Thomas JORION, qui a été publié en fin d'année dernière aux éditions de La Martinière. Il s'intitule SILENCIO et présente une quête contemplative particulièrement aboutie autour de lieux abandonnés à travers le monde.

Ce photographe de 38 ans, professionnel depuis 2009, travaille à la recherche de vestiges sur le point de disparaître, palais en ruine, équipements et attractions passés de mode, anciennes usines de la révolution industrielle. Ces lieux qui ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes, condamnés au silence, stimulent notre réflexion sur la temporalité des constructions humaines.

Ce sujet plutôt à la mode, Thomas JORION le traite avec beaucoup de subtilité et de maitrise. Il utilise une chambre photographique 4X5", sans artifice, avec une simple optique grand angle en lumière totalement naturelle, dans la veine de la technique du photographe des grands espaces américains Ansel ADAMS.

Cette technique permet de conserver aux lieux photographiés leur coté brut, leur lumière de l'instant, sans pour autant annihiler le plaisir esthétique. Le grand format des négatifs couleurs et le simple post-traitement limité aux masques de contraste transmettent aux impressions une netteté et une profondeur particulière dans les détails et la texture auxquelles les tirages sur papier mat de ce livre rendent parfaitement hommage.

L'esthétisme de ces images n'est pas sans rappeler le style classique et romantique des peintres des XVIIème et XVIIIème siècles, dans leur reproduction des ruines romaines, telles les œuvres d'Hubert ROBERT ou de Jean ASSELIN (Jan Asselijn), artiste hollandais né à Dieppe.

Ce livre tente simplement mais avec beaucoup d'élégance de sauver ces lieux de l'oubli : "Mon travail se base sur notre perception du temps, alors que notre société file à cent à l'heure, ces lieux paraissent comme inanimés alors qu'en réalité ils suivent un écoulement temporel déformé, allongé, qui leur est propre".

Patrice cadot, le 20.03.2014

Retour à la liste