Photo-Ciné-Club Offranvillais

SEBASTIÃO SALGADO : « GENESIS »

Ce livre est d'abord un objet, un objet magnifique, lourd et épais comme l'est cet énorme travail du photographe brésilien. Huit mois par an, pendant huit ans, de pérégrinations dans 26 pays de la planète ont été nécessaires à Sebastião Salgado pour réaliser ce travail démesuré sur les paysages, la faune, la flore et les tribus vivant encore à l’écart du monde.
Succédant à « EXODES », un travail là aussi monumental, qui l'avait amené à traduire la misère de l'Homme dans des pays émergents, l'artiste brésilien a posé cette fois ci son regard de photographe sur la « Nature » avec l'idée qu'il possédait le regard du premier homme sur la terre.

Lui qui, précise t‘il, n'avait jamais photographié de paysages mais seulement des hommes dans leur environnement, a voulu réaliser un hymne à la Terre (« ma lettre d'amour à la planète » précise l'édition anglaise), d'autant plus nécessaire et urgent à ses yeux qu'il fut profondément et violemment touché par la déforestation de la propriété familiale au Sud du Brésil. « Photographie et écologie sont pour moi indissociables » écrit il. Tout ici est au service du beau et les critiques nombreuses sur l'esthétisme de Salgado qui l'accusent d'utiliser la misère humaine et de rendre belles des situations humaines dramatiques ne peuvent être évoquées ici. Genesis ne parle, ne montre, n'évoque que la seule BEAUTE du monde, beauté conçue comme un vaste plaidoyer pour protéger la nature.

Si vous avez la chance (car vous avez déjà connu des moments de bonheur) de connaître l'œuvre de Salgado, vous serez dès les premières pages en terrain connu. Les noirs profonds, les contrastes forts parfois violents, les contre jours, les tirages spécifiques qui exploitent cette vision des choses et des êtres, explosent comme à chaque fois devant notre regard. Et puis il y a LA lumière, pour moi, véritable sujet des photos de Salgado ! La lumière ! Magnifique lumière ! La queue de la baleine plongeant vers les abysses, pourtant des millions de fois photographiée, est ici ainsi sublimée et magnifiée par cet éclairage transformant l'animal vivant en une sculpture marmoréenne aux mille reflets.

Si vous avez la chance (car vous allez vivre de grands moments de bonheur) de ne pas encore connaître l'œuvre de Salgado, vous découvrirez aussi ce que l'on évoque moins au sujet de ses photos, mais qui est aussi essentiel : son angle de vue et son cadrage particuliers. Ainsi d'un morceau de glacier, là encore sujet mille fois photographié, qu'il transforme en une prodigieuse cathédrale avec son arche rendant cette vision quasi miraculeuse et dont Dominique Issermann s'interroge « Comment a t'il fait pour être dans le parfait angle de vue ? ». De même le regard d'un éléphant de mer capté à quelques centimètres de son museau transfigure, par sa proximité, un sujet banal en une véritable « Pietà ». Est ainsi révélée également une dimension essentielle du travail de l'artiste : la nécessité de prendre son temps : « Le temps est la pierre angulaire de mon travail.(...) Il faut un temps pour la photographie, un temps pour marcher, pour comprendre la rationalité du monde vivant dans son entier ». Et, plus prosaïquement, le temps pour se familiariser avec l'éléphant de mer (un jour d'approche au ras du sol) et atteindre cette vision unique. Alors le qualificatif de photo journaliste ne semble pas trop correspondre au travail de Salgado qui réalise là une œuvre intemporelle d'une force et d'une beauté exceptionnelle.

En conclusion, vous l'avez compris, si vous ne deviez acheter qu'un seul livre photographique cette année, prenez celui ci. La qualité d'impression est remarquable pour un prix raisonnable. Si vous hésitez encore un peu vous retrouverez quelques une de ces images évoquées dans la séance hebdomadaire du club, le vendredi 25 octobre 2013. Elles devraient finir de vous convaincre.

« GENESIS » Editions Taschen : 49,99 euros. A noter plusieurs éditions limitées avec un tirage original numéroté et signé ; Les prix varient selon l'édition de 2 500 à 8000 euros pour un poids total de 59 Kgs et un format de 47 * 70 ! Des éditions à l'échelle de l'œuvre : démesurée.

Eric Rubert

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