EXPO
CARTIER BRESSON : PLUS A LIRE QU'A VOIR
L'exposition
du Centre Georges Pompidou est terminée. Nous vous avions présenté
la réédition du Hors Série de Télérama
consacré au plus grand photographe du XXème siècle.
Si vous avez raté l'exposition, n'ayez pas trop de regrets, le
catalogue de l'évènement remplacera avantageusement la visite. S'écartant de ces clichés, dont la plupart sont cependant exacts mais réducteurs, l'idée unique de l'exposition et de son catalogue est d'aller au delà de ces analyses simplistes et démontrer qu'il n y a pas un Cartier Bresson, mais plusieurs Cartier Bresson. L'approche est cette fois ci chronologique. Elle commence par des débuts liés au surréalisme et à la peinture avant un engagement politique fort. Puis, après guerre, une carrière de photo-reporter exceptionnelle avant l'assagissement vers une photographie contemplative et l'abandon total de la prise de vue pour revenir au dessin et boucler la boucle d'une vie. Clément Chéroux, commissaire de l'exposition et auteur du catalogue, précise ainsi sa démarche : « Beaucoup d'exégètes ont négligé son passé pour ne considérer que le génie du grand artiste ». Procédé basique en apparence, mais très efficace. Son texte est d'une simplicité et d'une clarté exemplaire, le plus complet et le plus convaincant des nombreuses exégèses consacrées au photographe. Chaque période est analysée et expliquée par rapport à des constantes facilement identifiables selon la période (le cadre formel repéré dans l'attente d'un événement décisif pour les débuts marqués par le surréalisme par exemple) et à quelques thèmes récurrents (la foule, la consommation, les manifestations) qui traversent toute l'œuvre. Chaque photo d'HCB, après lecture de l'ouvrage, peut ainsi être datée avec certitude et comprise aisément au regard des grilles d'analyse fournies. Ainsi décomposée l'œuvre nous révèle alors sa force et son originalité. D'abord l'extrême rigueur et la volonté d'éviter au maximum les « compromissions » même si comme le révèle le très intéressant recueil d'interviews publié simultanément « Voir est un tout » , quelques contradictions mineures apparaissent (quant à l'utilisation du flash, de la couleur ou de petits téléobjectifs par ailleurs). Cette rigueur, cette envie même non exprimée de construire une œuvre, se concrétisera par son départ de l'agence Magnum, acte symbolique marquant sa différence avec le photo-reportage au quotidien, qu'il pratiqua pourtant, et sa volonté artistique et plasticienne supérieure. « (…) Pour moi, le contenu ne peut se détacher de la forme » écrit il ainsi dans « Images à la sauvette » pratiquement le seul texte de commentaires qu'il accepta d'écrire. Rigueur donc et rôle central de l'homme ensuite. Même s'il était un grand admirateur de Weston, il précise ainsi : « Moi, je m'occupe presque uniquement de l'homme. Je vais au plus pressé. Les paysages ont l'éternité. ». Un homme qu'il aborde à pas de loup, avec respect et discrétion, car comme il aime à le dire fréquemment « On ne fouette pas l'eau avant de pêcher ». Enfin la volonté de saisir ce fameux instant décisif, le « tir » selon l'expression de Clément Chéroux, celui où la forme et le fond se mettent en place, le temps d'une fraction de seconde. Cet instant qui crée chez le photographe une tension extrême car, se refusant à mitrailler, il sait que le moment de grâce à saisir ne reviendra pas, énorme différence avec la peinture qu'il aime tant. Le texte du catalogue, fidèle à l'exposition, est donc l'essentiel. La visite au centre Georges Pompidou vous aurait permis en complément de découvrir, dans des extraits de quelques secondes, la figuration du photographe dans des films de Renoir, et surtout quelques images fugitives montrant la véritable danse que pratiquait le photographe normand autour de son sujet. L'autre intérêt essentiel de la visite était de pouvoir contempler quelques pages des journaux où furent publiées quelques photos qui deviendront célèbres. A regarder ces magazines, on comprend l'exaspération de Cartier Bresson à travailler pour la presse tant la mise en page, qui ressemble plus souvent à un collage enfantin, détruit tout le travail de cadrage de la prise de vue. Quant à la qualité des tirages exposés (sans liseré noir !), la volonté du commissaire de l'exposition était de présenter des tirages d'époque (pour la plupart de la fin des années quarante) et leur valeur n'est pas exceptionnelle. Un seul tirage était postérieur à l'année 2000 (les funérailles shinto de l'acteur Kabuki Danjuro) et son rendu remarquable le différenciait des autres photos exposées. Même si HCB refusait toute valorisation sous l'agrandisseur, et souhaitait retrouver sur la papier la lumière d'origine, les monographies de chez Delpire notamment, sont largement supérieures à l'exposition et aux reproductions du livre où la grisaille domine. L'exposition a donc définitivement fermé ses portes avant de partir pour Madrid. N'ayez donc pas trop de regrets si vous n'avez pu faire le déplacement. Les deux livres de l'exposition combleront facilement le vide en évitant plus d'une heure de file d'attente. Ils constituent une référence à la quelle vous reviendrez souvent. Assis tranquillement dans votre fauteuil. « Henri Cartier Bresson »,
catalogue de l'exposition. Éditions Centre Georges Pompidou, 49,90
euros. Éric Rubert |
Accueil | Plan
du site | Index du site | Glossaire
| Contact